"Et nus comme des dieux
débarrassés des lois,
nous irons sur la route avec les anarchistes
et nous vaincrons d'amour
la vie qu'on désaima"
Guillaume Apollinaire
Certaines choses
Nous entourent « et les voir
Equivaut à se connaître »
George Oppen
"Mais rien de cette nature n'est définitivement acquis. Comme une eau, le monde vous traverse et pour un temps vous
prête ses couleurs. Puis se retire, et vous replace devant ce vide qu'on porte en soi, devant cette espèce d'insuffisance centrale de l'âme qu'il faut bien apprendre à côtoyer, à combattre, et
qui, paradoxalement est peut-être notre moteur le plus sûr." Nicolas Bouvier
« La poésie vient vers nous, on ne sait d’où, et elle nous quitte, allant vers on ne sait quel au-delà. Mais en passant, elle nous laisse des mots et elle nous fait des signes dont l’interprétation est inépuisable. » Gabriel Bounoure
" Avec tes défauts. Pas de hâte. Ne va
pas à la légère les corriger. Qu'irais tu mettre à la place ? " Henri Michaux
"Savoir que nous ignorons tant de choses suffit à mon bonheur." George Oppen
"Et nus comme des dieux
débarrassés des lois,
nous irons sur la route avec les anarchistes
et nous vaincrons d'amour
la vie qu'on désaima"
Guillaume Apollinaire
"L'ennui de vivre avec les gens et dans les choses
Fait souvent ma parole et mon regard moroses."
Paul Verlaine
"L'aventure, la grande aventure, c'est de voir surgir quelque chose d'inconnu chaque jour, dans le même visage. Cela vaut tous les voyages du monde."
Alberto Giacometti
Cuisses, arbres -
tu voudrais
une place où tenir,
y tenir.
Corps, un trou
vacant, les vents
y passent - la
résonnance, de l'expérience,
les mots sont une vi-
bration, tête, coffre,
tronc, d'arbre, a des
branches, poussent des feuilles.
huile d'Emile Guiblain-Coquery
En train de manger des raisins bleus
près de la fenêtre
et de contempler
la vallée recouverte par la neige.
L'espace d'un instant, le monde profond
qui renvoie le regard. Puis un geai bleu
fait s'ébrouer la neige d'une branche.
Il n'y a ni monde, ni rencontre. Seulement
des frissons, et cette sensation sucrée
sur la langue.
La vie s'écoule, la vie s'enfuit
Les jours défilent au pas de l'ennui
Parti des rouges, parti des gris
Nos révolutions sont trahies
Parti des rouges, parti des gris
Nos révolutions sont trahiesLe travail tue, le travail paie
Le temps s'achète au supermarché
Le temps payé ne revient plus
La jeunesse meurt de temps perdu
Le temps payé ne revient plus
La jeunesse meurt de temps perduLes yeux faits pour l'amour d'aimer
Sont le reflet d'un monde d'objets.
Sans rêve et sans réalité
Aux images nous sommes condamnés
Sans rêve et sans réalité
Aux images nous sommes condamnésLes fusillés, les affamés
Viennent vers nous du fond du passé
Rien n'a changé mais tout commence
Et va mûrir dans la violence
Rien n'a changé mais tout commence
Et va mûrir dans la violenceBrûlez, repaires de curés,
Nids de marchands, de policiers
Au vent qui sème la tempête
Se récoltent les jours de fête
Au vent qui sème la tempête
Se récoltent les jours de fêteLes fusils sur nous dirigés
Contre les chefs vont se retourner
Plus de dirigeants, plus d'État
Pour profiter de nos combats.
Plus de dirigeants, plus d'État
Pour profiter de nos combats.
Ici chanté par J. Marchais !
la commotion des arbres au soleil couchant
une incision sous scalpel avec des gravures greffées d’écorce blonde
et comme l’incendie du vent et la brume
comme une flanelle inanimée au sol
un évasement écarlate en don
incident de fraisure incessant chaque instant
le vert jadis courtois bordé par le rouge
amèrement regrette la nuit tombée
prudemment j’explore de mes yeux ces continents-là
comme la monnaie de mon âme
demandant des comptes trop précis
la nuit arrive
le vent se zèbre de rouge
un carmin cerise qui flamboie
la fragrance étonne
le silence s’installe
" Ouvrir un livre de poésie, c'est vouloir s'éclairer avec une bougie en pleine déflagration de bombe à hydrogène."
Philippe Jaccottet
"Même lorsqu'elle broie du noir, la poésie de Jacques Bertin en extrait des couleurs. Elle échappe au désespoir par une adhésion sans relâche à la vie, ainsi la vie seule est-elle son "oeuvre complète".
La poésie de Jacques Bertin nous fait le coeur vaste et le sang vermeil parce que nous la sentons réveiller en nous la vieille vertu dont on voudrait nous détourner : la ferveur, mon ami, la ferveur."
Pierre Veilletet
encore une de mes chansons préférées de J. Bertin
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On jurera que tes grands yeux parjures craignent quelque chose
Ta pudeur lancera démentis et aveux
J’y croirai comme qui l’enlève croit la rose
D’un vase ou sur ta lèvre un rire et tes cheveux
Une radio enfouie dans le salon immense, un jazz morose
Très digne et une fumée de blonde fine y jouera un peu
Comme en sourdine son parfum dans l’odeur du cuir nous compose
Le vain décor que pour le désir on se veut
Bien sûr tu tricheras et plus en t'approchant parmi les palmes
Et sous les pales de l’hélice pulsant l’air tu sentiras
En toi et par tes fluides habits et pâles
Gonfler les cuivres où fondre bien des soleils calmes
Puis comme les effluves du mal sont des lianes ou des feuilles
Fervente tu t’accroupiras savamment parmi des dentelles
Pour les cueillir mais animale aussi comme humaine
Et de la lenteur qu’on s’enivre et je te veuille
Nous serons un après-midi d’été doux comme un col de cygne
La pénombre factice avec le store en osier on fera
Propice et ce mot sourire à l’intérieur nous fera
Et nous nous aimerons échangeant comme au bal des signes
Tandis qu’ailleurs tout près les gens dans la cohue des villes
Iront chacun pour soi surtout ne sachant pas
Et nous frôlant et cette déraison tranquille
Nous aimerons par jeu nous donner comme deux beaux voleurs
"Citadelle" de Saint-Exupéry
malgré un ton parfois paternaliste ou trop patriarcal, Citadelle reste un livre étrange, énigmatique, mais intensément profond, et d'une écriture tout-à-fait exceptionnelle
c'est un livre que l'on ouvre au hasard et la lecture des pages trouvées est à chaque fois un ravissement ; j'avais appris jadis quelques pages par coeur ; en voici une
page insolite, rare et sublime
En fermant les yeux, des îles apparaissent, elles sont vertes sur fond bleu ; selon le relâchement des paupières ou leur crispation, les formes et les couleurs varient : ainsi des continents surgissent en totale apesanteur et attendent d’habiles découvreurs.
En ouvrant les yeux, les carreaux de la fenêtre apparaissent, selon leur inclinaison, des morceaux du monde externe sont dévoilés ; et le vent par d’adroits mouvements massent ces vitres doucement variant ainsi les paysages ; derrière, les feuilles des arbustes proposent dans des verts unis des carreaux de lumière qui eux aussi par des alternances subtiles évoquent un kaléidoscope vert-blanc du pays de mon enfance.
En me levant du lit, lentement, les douleurs de ma polyarthrite sont telles que je pouffe des cris – que j’étouffe – de douleur ; à les retenir ainsi, une envie de tousser survient ; à la toux, d’ignobles élancements naissent entre chaque côte, chaque muscle et tendon intercostaux, c’est alors une autre souffrance, une nouvelle, reliant le tout dans une puissance inouïe.
Dehors, le soleil chauffe toutes les herbes, arbres, arbustes dont je suis propriétaire. De même de nombreux insectes, coléoptères et papillons, je les désigne tous par leur nom, voire leur prénom pour certains, je les montre du doigt à la foule silencieuse qui me regarde. Jadis, c’était sur un court de tennis où je marquais l’ultime et nécessaire point de la victoire sous d’innombrables hourrahs. Là, je suis seul sur le terrain à écouter les voltiges du vent et à célébrer ma victoire.
La victoire de ma vie qui a bien attendu la dernière ligne droite pour me dire : c’est enfin là.
Le haut des arbres bouge lentement, on dit que le meilleur moment pour planter un arbre c’était il y a vingt ans, on rajoute que l’autre meilleur moment c’est maintenant. J’ai encore à planter ! Même si les places deviennent rares. Les grands arbres sont beaux dans leur croissance lente mais puissante, leur présence me rassérène. L’adoucissement des douleurs. Les douleurs s’adoucissent.
Revenons aux îles de mes méditations, elles forment ma géographie intime, je leur imagine des noms et des particularités ; Nicolas Bouvier disait qu’il lisait les cartes de géographies comme des polars ; c’est pareil pour moi, les cartes m’ont toujours attiré comme des aimants : les noms des lieux, des fleuves, des monts et collines. Il y aurait eu tant à découvrir ! Que fais-je ici ? Dans ma douleur statique et perpétuelle ? En finir avec moi même ? Maintenant que le temps probable est déjà passé ?
Je foule l’herbe verte d’Août, entre mes doigts de pied, la pelouse sauvage me chatouille. Le ciel est très bleu – ce bleu des cartes postales - . Fertiliserais-je la terre ? Au milieu de ces fourmis infatigables ? Je suis confus, les yeux embués ; il faut que je change de braquet, sinon tout cela va mal finir.
Jeanne Duval, la muse et maitresse...
Ce magnifique poème a été mis en musique plusieurs fois et en particulier par Ferré et Gainsbourg / Même si je suis un fan absolu du génie de Ferré, son disque sur Baudelaire (le 1er) a mal vieilli et même à l'époque je ne l'avais pas aimé. Alors qu'Aragon, Rimbaud, Verlaine, Apollinaire furent des chefs d'oeuvre !
Néanmoins son interprétation est remarquable...
Quant à elle, la mise en musique de Gainsbourg est parfaite ainsi que sa diction, prouvant une fois de plus l'excellent interprète qu'il fut !
Et vous quelle version préférez-vous ?
la mise en mots des maux serait-ce là même la définition de la vie ?
" Aussi longtemps qu'on fréquente la poésie, on ne risque pas le vide intérieur. L'oeuvre et vous, le lecteur, appartenez au même univers, une intimité extraordinaire vous lie. Comme la musique, vous touchez à quelque chose d'essentiel qui vous comble : une sorte de grâce, de complicité surnaturelle avec l'indéfinissable. Le temps est évincé, vous êtes projeté hors du devenir. Musique et poésie, deux aberrations sublimes."
Emil Cioran
Si
à l’instar
la main placée sur ce coeur de Rosacées
(les demoiselles pondent dans l’eau)
au frais
éminemment
si ma main vissée dans le coeur de cet insecte
et je vole clair
embué de mes mille yeux parfaits
utile je suis
je ponds dans les mousses humides, dans l’eau
les creux les vagues et les mélancolies humaines
photographie ©frenchpeterpan