"Le poète est un archer qui tire dans le noir." - Salah Stétié -
"Soyez un écrivain mineur, cela vous rajeunira."
Dominique
Noguez
"Cette femme était si
belle
Qu'elle me faisait peur."
Guillaume Apollinaire
"In a place far away from anyone or anywhere, I drifted off for a moment." -- Haruki Murakami --
"Être poète n'est pas une ambition que j'ai. C'est ma façon à moi d'être
seul." -- Fernando Pessoa --
"Ca va tellement mal aujourd'hui que je vais écrire un poème. Je m'en fiche ; n'importe quel poème, ce poème." -- Richard
Brautigan --
"J'écris à cause du feu dans ma tête et de la mort qu'il faut nier."
Jacques Bertin
"O mon passé d'enfance,
pantin qu'on m'a cassé."
Fernando Pessoa
« La mort c’est l’infini des plaines
et la vie la fuite des collines. »
Joseph Brodsky
Certaines choses
Nous entourent « et les voir
Equivaut à se connaître »
George Oppen
" LA GRANDE FORCE EST LE DESIR
" (Guillaume Apollinaire)
"Quand je dis « je », je désigne par là une chose absolument unique,
à ne pas confondre avec une autre."
Ugo Betti
"Le sens trop précis
rature
ta vague littérature"
Stéphane Mallarmé
" Je ne suis pas moi ni un autre Je suis quelque chose d’intermédiaire : Un pilier du pont d’ennui qui s’étend de moi vers l’autre. " Mario de Sa-Carneiro
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B o n j o u r !
-- je vous souhaite un bon
passage... --
"Mais rien de cette nature n'est définitivement acquis. Comme une eau, le monde vous traverse et pour un temps vous
prête ses couleurs. Puis se retire, et vous replace devant ce vide qu'on porte en soi, devant cette espèce d'insuffisance centrale de l'âme qu'il faut bien apprendre à côtoyer, à combattre, et
qui, paradoxalement est peut-être notre moteur le plus sûr."Nicolas Bouvier
« La poésie vient vers nous, on ne sait d’où, et elle nous quitte, allant vers on ne sait quel
au-delà. Mais en passant, elle nous laisse des mots et elle nous fait des signes dont l’interprétation est inépuisable. » Gabriel
Bounoure
" Avec tes défauts. Pas de hâte. Ne va
pas à la légère les corriger. Qu'irais tu mettre à la place ? "Henri Michaux
écrivez moi si vous le souhaitez :
Soyez indulgent, je ne suis qu'un petit écrivaillon tentant
d'écrivasser
Mai 2008 : "L'apéritif de la neige"
est "paru"
Si vous êtes intéressé : laissez moi un message
(133 pages de poèmes et textes poétiques, pour la plupart ici sur mon blog)
"Le meilleur choix de poèmes est celui que l'on fait pour soi." Paul Eluard
"Savoir que nous ignorons tant de choses suffit à mon bonheur." George Oppen
« Il faut que l’Homme sorte à la rencontre de la vie hostile. »
Schiller
Je dis
J’ai à dire
J’imagine le dire
Seul, ici, dans un beau verger, sous les étoiles naissantes et pétillantes, étincelantes et vivantes, arbres vivants,
Sous les dires difficiles
J’essaie moi aussi de vivre « à propos »
Perdu, angoissé, isolé
Cette solitude et moi comme seul compagnon ou compagne
Vivant on me dit que je le suis encore
On me parle on m’explique, on donne des indications
Rares moments d’empathie, de « bonne » vision du monde
Je déchiffre les pancartes, j’observe les cartes ; comme Bouvier, je lis les cartes « comme des polars »… je me nourris de noms, de croisées, de chemins, de rivières engagées, monts et brumes, lumières externes et d’intérieur
On donne sens à la vie
J’ai peine à dire
J’ai peine à dire
Le lieu reste insaisissable
Comme le délitement de toute chose
Comment exprimer sa présence au monde ?
S’éduquer à la réalité… est-ce essentiel, est-ce superflu ?
L’abri de Bachelard « contre la nuit », au moins…
Les livres, les meubles, me suivent ; c’est mon identité
Le bien peu de moi
Si j’avais eu un talent, j’aurais peint tout cela, et l’infini même aux moments de vigueur
Le verbe « temps » a passé, s’est décliné, a utilisé toutes les conjugaisons, fortifié ou affaibli c’est selon ; on ignore s’il faut du mouvement, spontanéité, constance ou repli et visions internes. Immobilité ou voyage perpétuel.
Fortin ou semelles aux vents
Ou ta peau mordorée, mon deuxième moi ; l’aigreur connaissable ; les entours en tout bien ; modèle vaguement de bonheur, on pourrait l’imaginer – comme un marin ayant écroté le monde.
Mais l’ennui et la solitude –comme des chances à polir – sollicitent en moi un quelconque éclairage ; c’est encore cela : subsister dit-on , c’est déjà bien.
"Quand je danse, je danse ; quand je dors, je dors ; voire et quand je me promène solitairement dans un beau verger, si mes pensées ne sont entretenues des occurrences étrangères quelque partie du temps, quelque autre partie je les ramène à la promenade au verger, à la douceur de cette solitude et à moi. "
Je viens de finir le premier livre de Juan José Saer (1937-2005) que j'ai eu entre les doigts.
Un sentiment rare de chef d'oeuvre absolu m'est passé par la tête... Les phrases sont délicieusement et incroyablement bien écrites, la traductrice Laure Bataillon a fait parait-il un travail remarquable, à tel point qu'à sa mort, un prix pour la "meilleure traduction" porte désormais son nom.
Bref un écrivain argentin exceptionnel et une traductrice tout autant.
Je ne vais pas parler bien longtemps de ce livre car d'autres l'ont fait bien mieux que moi, en naviguant sur le net, on comprend l'importance de cet écrivain argentin. Livre inspiré par une histoire réelle.
3 parties dans le livre : la découverte de l'estuaire qui donnera d'un coté l'Argentine, de l'autre l'Uruguay et la vie à bord en 1516 des bateaux espagnols, la vie avec les indiens pendant 10 ans, puis le retour en Europe et la fin de vie du narrateur...
Même si parfois il est nécessaire de s'accrocher un peu , de rester concentré, tant les phrases sont denses, on lira ce chef d'oeuvre d'une traite avec le coeur aux aguets. On suit l'histoire de ce jeune mousse sur le bateau, puis seul rescapé, parmi les indiens. A la fin du livre, les méditations seront philosophiques et métaphysiques sur la présence de l'homme au monde, son importance, son adéquation, sa solitude...
"De ces rivages vides il m’est surtout resté l’abondance de ciel. Plus d’une fois je me suis senti infime sous ce bleu dilaté: nous étions, sur la plage jaune, comme des fourmis au centre d’un désert. Et si, maintenant que je suis un vieil homme, je passe mes jours dans les villes, c’est que la vie y est horizontale, que les villes cachent le ciel."
JJS
Ici de bien meilleures explications que les miennes :
It rained the all night. She was dressed all in white, there were trees all along the road.
Je la suivais, toute de blanc vêtue, collant en laine et robe blanche, elle semblait swinguer entre les arbres ; elle exhalait tout le féminin ; je sortais d’une exposition sur les coléoptères du monde entier ; l’excellence de la beauté encore en tête de ces insectes prodigieux ; et je la suivais, sorte de satyre bienheureux, pensées lubriques en tête ; dans les allées du jardin des plantes, la géométrie et l’alignement faisaient douces ces idées-là ; quelle beauté, le monde ; j’allais à mon cours de remise à niveau d’anglais, j’imaginais des phrases…
It rained the all night. She was dressed all in white, there were trees all along the road.
Elle venait de faire l’amour ou elle s’y dirigeait tant son énergie semblait profonde, efficace. Ehontément, je l’imaginais nue et jalousais son compagnon ; nous happions l’air doux chaud vivant à pleins poumons ; orpailleur de son corps et plus généralement de toutes les beautés féminines ; mon âme cyclique vêtue tout de noir, puis tout de blanc voyait là un bon présage pour la journée à venir : elle serait amicale, joyeuse et non asexuée ; bref, la vie.
Il avait plu toute la nuit, elle était habillée tout en blanc, il y avait des arbres tout au long du chemin. All of us are invited.
Très grande émotion hier soir à Châteauvallon, Jean-Louis Trintignant faisait sa "dernière" de son spectacle de poésies avec Daniel Mille et son quatuor à cordes... Devenu aveugle, ne pouvant plus se déplacer seul... c'est un homme physiquement au bout vu hier soir, ma compagne avait les larmes aux yeux de le voir arriver sur scène dans cet état...Et j'étais aussi très ému, moi pour qui le fanfaron est l'un de mes films préférés... Par contre , sa voix, toujours fabuleuse, limpide, claire... Que de bien beaux poèmes excellemment dits...(Leprest, Desnos, Carver, Prévert...) et la musique de Piazzolla en accompagnement...
Je retiendrai une très belle interprétation de "je voudrais pas crever" de Vian et bien sûr la clôture par cet extraordinaire poème de Gaston Miron "Marche à l'amour" que JLT offre à sa fille morte à chaque fois qu'il dit ce texte, 16 ans déjà que Marie est morte...
Très long poème d'amour fabuleux...
Soirée exceptionnelle et longue standing ovation à la fin... ému et triste, je fus.
La marche à l'amour
Tu as les yeux pers des champs de rosées
tu as des yeux d'aventure et d'années-lumière
la douceur du fond des brises au mois de mai
dans les accompagnements de ma vie en friche
avec cette chaleur d'oiseau à ton corps craintif
moi qui suis charpente et beaucoup de fardoches
moi je fonce à vive allure et entêté d'avenir
la tête en bas comme un bison dans son destin
la blancheur des nénuphars s'élève jusqu'à ton cou
pour la conjuration de mes manitous maléfiques
moi qui ai des yeux où ciel et mer s'influencent
pour la réverbération de ta mort lointaine
avec cette tache errante de chevreuil que tu as
tu viendras tout ensoleillée d'existence
la bouche envahie par la fraîcheur des herbes
le corps mûri par les jardins oubliés
où tes seins sont devenus des envoûtements
tu te lèves, tu es l'aube dans mes bras
où tu changes comme les saisons
je te prendrai marcheur d'un pays d'haleine
à bout de misères et à bout de démesures
je veux te faire aimer la vie notre vie
t'aimer fou de racines à feuilles et grave
de jour en jour à travers nuits et gués
de moellons nos vertus silencieuses
je finirai bien par te rencontrer quelque part
bon dieu!
et contre tout ce qui me rend absent et douloureux
par le mince regard qui me reste au fond du froid
j'affirme ô mon amour que tu existes
je corrige notre vie
nous n'irons plus mourir de langueur
à des milles de distance dans nos rêves bourrasques
des filets de sang dans la soif craquelée de nos lèvres
les épaules baignées de vols de mouettes
non
j'irai te chercher nous vivrons sur la terre
la détresse n'est pas incurable qui fait de moi
une épave de dérision, un ballon d'indécence
un pitre aux larmes d'étincelles et de lésions
profondes
frappe l'air et le feu de mes soifs
coule-moi dans tes mains de ciel de soie
la tête la première pour ne plus revenir
si ce n'est pour remonter debout à ton flanc
nouveau venu de l'amour du monde
constelle-moi de ton corps de voie lactée
même si j'ai fait de ma vie dans un plongeon
une sorte de marais, une espèce de rage noire
si je fus cabotin, concasseur de désespoir
j'ai quand même idée farouche
de t'aimer pour ta pureté
de t'aimer pour une tendresse que je n'ai pas connue
dans les giboulées d'étoiles de mon ciel
l'éclair s'épanouit dans ma chair
je passe les poings durs au vent
j'ai un coeur de mille chevaux-vapeur
j'ai un coeur comme la flamme d'une chandelle
toi tu as la tête d'abîme douce n'est-ce pas
la nuit de saule dans tes cheveux
un visage enneigé de hasards et de fruits
un regard entretenu de sources cachées
et mille chants d'insectes dans tes veines
et mille pluies de pétales dans tes caresses
tu es mon amour
ma clameur mon bramement
tu es mon amour ma ceinture fléchée d'univers
ma danse carrée des quatre coins d'horizon
le rouet des écheveaux de mon espoir
tu es ma réconciliation batailleuse
mon murmure de jours à mes cils d'abeille
mon eau bleue de fenêtre
dans les hauts vols de buildings
mon amour
de fontaines de haies de ronds-points de fleurs
tu es ma chance ouverte et mon encerclement
à cause de toi
mon courage est un sapin toujours vert
et j'ai du chiendent d'achigan plein l'âme
tu es belle de tout l'avenir épargné
d'une frêle beauté soleilleuse contre l'ombre
ouvre-moi tes bras que j'entre au port
et mon corps d'amoureux viendra rouler
sur les talus du mont Royal
orignal, quand tu brames orignal
coule-moi dans ta plainte osseuse
fais-moi passer tout cabré tout empanaché
dans ton appel et ta détermination
Montréal est grand comme un désordre universel
tu es assise quelque part avec l'ombre et ton coeur
ton regard vient luire sur le sommeil des colombes
fille dont le visage est ma route aux réverbères
quand je plonge dans les nuits de sources
si jamais je te rencontre fille
après les femmes de la soif glacée
je pleurerai te consolerai
de tes jours sans pluies et sans quenouilles
des circonstances de l'amour dénoué
j'allumerai chez toi les phares de la douceur
nous nous reposerons dans la lumière
de toutes les mers en fleurs de manne
puis je jetterai dans ton corps le vent de mon sang
tu seras heureuse fille heureuse
d'être la femme que tu es dans mes bras
le monde entier sera changé en toi et moi
la marche à l'amour s'ébruite en un voilier
de pas voletant par les lacs de portage
mes absolus poings
ah violence de délices et d'aval
j'aime
que j'aime
que tu t'avances
ma ravie
frileuse aux pieds nus sur les frimas de l'aube
par ce temps profus d'épilobes en beauté
sur ces grèves où l'été
pleuvent en longues flammèches les cris des pluviers
harmonica du monde lorsque tu passes et cèdes
ton corps tiède de pruche à mes bras pagayeurs
lorsque nous gisons fleurant la lumière incendiée
et qu'en tangage de moisson ourlée de brises
je me déploie sur ta fraîche chaleur de cigale
je roule en toi
tous les saguenays d'eau noire de ma vie
je fais naître en toi
les frénésies de frayères au fond du coeur d'outaouais
puis le cri de l'engoulevent vient s'abattre dans ta
gorge
terre meuble de l'amour ton corps
se soulève en tiges pêle-mêle
je suis au centre du monde tel qu'il gronde en moi
avec la rumeur de mon âme dans tous les coins
je vais jusqu'au bout des comètes de mon sang
haletant
harcelé de néant
et dynamité
de petites apocalypses
les deux mains dans les furies dans les féeries
ô mains
ô poings
comme des cogneurs de folles tendresses
mais que tu m'aimes et si tu m'aimes
s'exhalera le froid natal de mes poumons
le sang tournera ô grand cirque
je sais que tout mon amour
sera retourné comme un jardin détruit
qu'importe je serai toujours si je suis seul
cet homme de lisière à bramer ton nom
éperdument malheureux parmi les pluies de trèfles
mon amour ô ma plainte
de merle-chat dans la nuit buissonneuse
ô fou feu froid de la neige
beau sexe léger ô ma neige
mon amour d'éclairs lapidée
morte
dans le froid des plus lointaines flammes
puis les années m'emportent sens dessus dessous
je m'en vais en délabre au bout de mon rouleau
des voix murmurent les récits de ton domaine
à part moi je me parle
que vais-je devenir dans ma force fracassée
ma force noire du bout de mes montagnes
pour te voir à jamais je déporte mon regard
je me tiens aux écoutes des sirènes
dans la longue nuit effilée du clocher de
Saint-Jacques
et parmi ces bouts de temps qui halètent
me voici de nouveau campé dans ta légende
tes grands yeux qui voient beaucoup de cortèges
les chevaux de bois de tes rires
tes yeux de paille et d'or
seront toujours au fond de mon coeur
et ils traverseront les siècles
je marche à toi, je titube à toi, je meurs de toi
lentement je m'affale de tout mon long dans l'âme
je marche à toi, je titube à toi, je bois
à la gourde vide du sens de la vie
à ces pas semés dans les rues sans nord ni sud
à ces taloches de vent sans queue et sans tête
je n'ai plus de visage pour l'amour
je n'ai plus de visage pour rien de rien
parfois je m'assois par pitié de moi
j'ouvre mes bras à la croix des sommeils
mon corps est un dernier réseau de tics amoureux
avec à mes doigts les ficelles des souvenirs perdus
je n'attends pas à demain je t'attends
je n'attends pas la fin du monde je t'attends
dégagé de la fausse auréole de ma vie
Comme un appartement vide aux sales plafonds, Aux murs nus, écorchés par les clous des peintures,
D'où sont déménagés les meubles, les tentures,
Où le sol est jonché de paille et de chiffons,
Ainsi, dévasté par les destins, noirs bouffons,
Mon esprit s'est rempli d'échos, de clartés dures.
Les tableaux, rêves bleus et douces aventures.
N'ont laissé que leur trace écrite en trous profonds.
Que la pluie et le vent par la fenêtre ouverte
Couvrent de moisissure acre et de mousse verte
Tous ces débris, horreur des souvenirs aimés!
Qu'en ce délabrement, une nouvelle hôtesse
Ne revienne jamais traîner avec paresse,
Sur de nouveaux tapis, ses peignoirs parfumés
Viens de lire pour la seconde fois ce petit livre de psychanalyse (pas que, l'auteur est agrégée de lettres) sur le lieu, la maison...
J'ai toujours eu l'impression que les lieux de mon enfance possédaient une force inouïe, mais pas que mon enfance, aussi les lieux ; les lieux amis, les lieux où l'on se sent bien ; comme ma seconde maison "provençale" celle qui a suivi l'appartement tourangeau de mon enfance.
Qu'est que l'homme dans un lieu ? Est-ce superficiel, superflu ou essentiel ? Cet ancrage. Cette territorialité, et ce désancrage de l'adolescence... (Isée Bernateau est une spécialiste de l'adolescence). Cette notion d'inquiétante étrangeté pour citer Freud. Et l'aspect spatial et matériel de la maison.
Papa-maman-maison = famille disait F. Molto.
Mais pas que la maison, l'extérieur ; mais aussi l'intérieur "le mobilier", le "dedans".
La maison est un abri. ("contre la nuit" Bachelard). La maison est la famille, mais le bâtiment et le mobilier comptent tout autant ; importance de ce mobilier (même si déménagement) : continuité identitaire et liens oedipiens.
La maison est aussi "maternelle", il y a une analogie avec le corps ; l'enfant et la maison : c'est le centre du monde : mis à mal à l'adolescence ; mais restera forcément "un prolongement de soi". A partir de 4 films de Gus Van Sant (la tétralogie de la mort) l'auteur explique bien ce désancrage à l'adolescence (lire "je m'arrache" p.53 très intéressant).
"Il faut que l'homme sorte à la rencontre de la vie hostile" (Schiller). C'est l'éducation à la réalité. Très instructif aussi : les anti-lieux des adolescents = des lieux faits ni pour les adultes, ni pour les enfants...
Puis passage sur Perec pour qui les lieux furent une idée fixe ; lui, qui perdit son père au front à 4 ans et sa mère déportée à 6 ans... Perec et son "non-lieu" de naissance, l'errance de l'enfance de placement en placement ; quasi toute la littérature de Perec tourne autour des lieux...
Puis conclusion sur la khôra de Platon : le lieu reste insaisissable ; et le retour à la terre ne produit rien, car la perte de la mère est irrémédiable. Vue sur mère.
Un petit livre très instructif dont je conseille la lecture pour ceux qui s'intéressent comme moi aux lieux, aux lieux qu'on aime, à la maison, à la maison natale ; aux rapports maternels ; aux fuites adolescentes plus ou moins difficiles...
" Alternative nostalgique (et fausse) :
Ou bien s'enraciner, retrouver, ou façonner ses racines, arracher à l'espace le lieu qui sera vôtre, bâtir, planter, s'approprier, millimètre par millimètre, son "chez-soi" : être tout entier à son village, se savoir cévenol, se faire poitevin.
Ou bien n'avoir que ses vêtements sur le dos, ne rien garder, vivre à l'hôtel et en changer souvent, et changer de ville, et changer de pays ; parler, lire indifféremment quatre ou cinq langues ; ne sentir chez soi nulle part, mais bien presque partout."
"La chute" par son ton original et déroutant est un texte majeur de Camus ; si en France l’auteur est surtout réputé pour son fantastique "L’étranger", dans les autres pays, c’est "la chute" qui l’emporte, sans doute d’ailleurs ceci est lié à l’année où il reçut le prix Nobel, la chute étant alors son dernier récit publié. (1956, prix Nobel en 57 ; il a alors 44 ans : cela en fait un des plus jeunes lauréats). Cela restera ensuite son dernier récit de fiction.
(Prix Nobel décerné pour « l’ensemble d’une œuvre mettant en lumière les problèmes qui se posent de nos jours à la conscience des hommes. »)
"La chute" utilise le procédé du soliloque, procédé étonnant, assez peu utilisé et qui pourtant fonctionne à merveille. Sartre – pourtant en bien mauvais termes avec Camus – disait que « ce récit est peut-être la meilleure, mais certainement la moins comprise des œuvres de Camus. ». Pour Jean Bloch-Michel, Camus a trouvé dans « mémoires écrits dans un souterrain » de Dostoïevski l’idée du soliloque avec un interlocuteur muet. Dostoïevski parle déjà de « juge ». Victor Hugo dans « le dernier jour d’un condamné » avait aussi utilisé ce procédé.
Qu’en est-il de ce récit ?
Jean-Baptiste Clamence rencontre à Amsterdam dans un bar un compatriote français et engage la conversation. Cet interlocuteur restera très peu dévoilé tout au long du récit. Le narrateur se présente : il fut jadis un brillant avocat parisien, il est maintenant « juge-pénitent » à Amsterdam. Le narrateur souhaite parler de lui ; jadis il défendait les justes causes avec ferveur et réussite ; il avait « réussi sa vie ». Homme à femmes, avocat reconnu, pas de soucis dans cette vie bien organisée. Cependant la machine se dérégla un soir où il entendit un rire qui venait de nulle part, un rire qui le bouleversa bien fortement. Il crevait de vanité selon ses dires : il prêtait une attention superficielle aux êtres et aux évènements, tout glissait à sa surface. D’autres incidents anodins arrivèrent : il se laissa frapper sans réagir, premières difficultés sexuelles, mais surtout suicide à Paris d’une jeune femme : « j’entendis le bruit qui, malgré la distance, me parut formidable dans le silence nocturne, d’un corps qui s’abat sur l’eau. Je m’arrêtai net, mais sans me retourner. Presque aussitôt, j’entendis un cri, plusieurs fois répété, qui descendait lui aussi le fleuve, puis s’éteignit brusquement. Le silence qui suivit, dans la nuit soudain figée, me parut interminable. » Alors Clamence devient « indifférent » à la société, il s’accuse et attend son procès : on est tous coupable.
Le message que semble nous délivrer Camus, peut paraitre ambigu : la culpabilité humaine ? La notion de double (un peu comme le livre de Kazan « l’arrangement »). La mauvaise conscience de l’humanité ? La solitude humaine ? Une parabole ? Détresse du vivre ? Dérision générale sur notre condition humaine ? Approche et refus de la mort ? Duplicité profonde de l'homme (Janus = Clamence) ? Religions sans secours ? L'amour : la solution ? Le malconfort ? Le mensonge est partout ? Un pamphlet contre le monde intellectuel parisien (Sartre et Camus sont alors en rupture) ? Noire vision de l'homme ? Autobiographie (Clamence = Camus) ? Le roman de Camus est à la fois très moderne et très classique, écrit dans une langue superbe, ironique et précieuse. Pleine d’éloquence.
« Ah ! mon ami, savez-vous ce qu’est la créature solitaire, errant dans les grandes villes ?… » « je décidai de quitter la société des hommes . » « il ne s’agissait plus que de vieillir. » « n’attendez pas le jugement dernier, il a lieu tous les jours ».
"Ne sommes-nous pas tous semblables, parlant sans trêve et à personne, confrontés toujours aux mêmes questions bien que nous connaissions d'avance les réponses ? Alors, racontez moi je vous prie, ce qui vous est arrivé un soir sur les quais de la Seine et comment vous avez réussi à ne jamais risquer votre vie."
Roger Grenier a dit à propos de ce livre : « Le narrateur, un peu abstrait de ce récit corrosif… parle en fait pour chacun de nous et nous fait avouer qu’être heureux, c’est déjà être coupable. » Meursault dans « l’étranger » le disait déjà : « De toute façon, on est toujours un peu fautif. ».
C’est aussi un roman à tiroirs qu’il faut lire plusieurs fois pour en apprécier toutes les facettes. Comme le disait je ne sais plus qui : « tout ne prend sens qu’avec une lecture rétrospective. » C’est tout l’art de ce romancier d’exception que fut Albert Camus.
Car « la chute » se produit à l’aube. PS : j'eus la chance de voir au théâtre un François Chaumette jouant un savoureux Clamence, bravo à lui. PS 2 : je crois que c'est le livre que j'ai le plus relu, et chaque relecture fut un vrai plaisir ; Camus écrivain majeur.
J'avais lu ce livre à sa sortie en 1975, intrigué par le côté "anonyme" et aussi parce que je devais avoir à peu près le même âge que l'"écrivain". J'étais à l'époque tourangeau et lui orléanais... Intrigué par ce monde du travail ouvrier, moi qui rêvais de faire de "longues études"...
A l'époque le libraire me le conseilla. Bref lecture inouïe d'un gars de "bonne famille" qui loupe son bac et doit se débrouiller entre cet échec et son départ à l'armée (entre 18 et 20 ans) ; on comprendra aisément qu'il attendra son départ pour la grande muette avec appétit.
Car la vie de travail en scierie est un enfer : froid, faim et surtout fatigue ; ce qui est étonnant dans ce récit, c'est le réalisme cru sans effet de manche, ni d'écriture ; tout est "raconté" simplement comme cela s'est passé.Il a les mains bien blanches et au début tout le monde se moque discrètement ; et le mépris est là ; mais, lui est fier et travailleur... Le ton est incroyablement juste, un peu méchant, terriblement honnête.
Livre majestueux qui stupéfia Pierre Gripari qui en fit la préface en 1975. (à l'origine d'ailleurs ce manuscrit devait être détruit...)
Ce livre vient d'être réédité en 2013 aux éditions Héros-Limite, gloire à eux !